Paralysée par la peur

Paralysée par la peur

J’aimerai revenir rapidement sur ces derniers mois. Avant le début de l’article, je préfère vous prévenir. Il risque d’être long et parfois un peu brouillon. Je souhaite vous parler à coeur ouvert, en étant le plus honnête possible à propos de mon ressenti sur les événements des derniers mois.

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Il y a de ça un an, j’ai cessé de prendre des réservations pour des séances photos. C’était début août 2018, je venais de faire des mois de juin et juillet de folie. Mon activité de photographe prenait, je venais de réussir mes premières tournées photo dans le sud, j’avais rencontrés pleins de personnes et d’animaux formidables … Mais j’avais pris la décision de reprendre mes études. La décision d’arrêter de prendre des séances à été une très bonne chose, car elle a empêché la situation qui suivra d’être encore plus catastrophique que ce qu’elle a été.

Mon année à l’université commence en septembre, et il me reste encore énormément de séances à traiter. Pour être exacte, il s’agissait de 16 séances clients, soit 219 photos (plus un mariage de 300 photos minimum). Pour rendre ça un peu plus concret, comptez en moyenne 40 minutes par photo prendre uniquement pour la retouche (c’est à dire sans l’import, le tri, l’envoi de la sélection, l’enregistrement des versions finales, l’envoi par mail, la commande des tirage, la réception des tirages, la préparation des colis, l’envoi par la poste), cela représente environ 150 heures de travail, donc plus de 1 mois de travail à temps plein (7h/j).

J’avais l’impression d’être au pied d’une montagne, de me sentir toute petite en regardant le sommet, à me dire “je n’y arriverai jamais”. Pendant 8 mois, j’ai jonglé entre études, vie professionnelle et vie familiale. Je me levais à 6h50 pour arriver en cours à 9h, puis je rentrais à 19h15, après 7 heures de cours, 50 minutes de voiture et 1h40 de train. Mes soirées se partageaient entre devoirs d’étude et entreprise photo. Lorsque je faisais l’un, difficile de ne pas penser à l’autre. Et dès que je ne travaillais pas, je culpabilisais. Parce que j’avais tant de chose à faire … Et j’ai vécu chaque journée de ces 8 mois de la même façon. Ne jamais profiter du moment présent, parce que ma tête ne pouvait oublier tout ce que j’avais d’autre à faire. Les week-end, n’en parlons même pas.

Le retard s’est accumulé au fils des mois, aussi parce que la vie est passée par là : problèmes de santé et problèmes techniques (la perte de mon ordinateur m’empêchant de travailler sur les photos pendant plus d’un mois). Des choses qui arrivent … Et j’avais honte, je me sentais mal. Les messages d’impatience de la part de mes clients se faisaient de plus en plus fréquent, et ce à juste titre ! Alors pour tenter de me faire pardonner et de diminuer mon mal-être, je proposais des photos en plus gratuitement, mais qui me rajoutait du travail, et donc du temps, et donc peut-être un peu plus de retard.

Non, je n’ai pas assurée. Je le sais. Et ça fait presque un an que je vis avec cette pensée. Je suis persuadée d’avoir déçue beaucoup de monde, et ça pèse beaucoup sur mon moral. Quand je fais des photos, je veux faire plaisir aux personnes qui font appel à moi et qui m’ont accordés leur confiance. Et je n’ai pas été à la hauteur pour beaucoup …

Paralysée par la peur, c’est le titre de cet article. Je me pousse à prendre mon appareil photo avec moi, mais je ne le sors jamais. Je mets du temps à passer au traitement des séances, parce que j’ai peur. Peur de décevoir, peur de ne pas être à la hauteur, peur que mon travail ne plaise pas … Hier je vidais ma messagerie sur Facebook, et je suis tombée sur d’anciens messages un peu durs, que je me cachais à moi même. Je ne blâme pas les personnes qui ont perdu patience au cours des derniers mois, attendant leurs photos et n’ayant que peu de nouvelles. Il y a 1000 choses que j’aurai dû faire autrement. Mais peut-être qu’on oublie parfois que je suis seule, que je n’ai que 24 ans. Et j’apprends … Parce qu’on ne nous prépare pas à gérer une entreprise, on ne nous prépare à notre quotidien de photographe indépendant. Alors on apprend de nos erreurs, et ces 8 mois m’ont énormément appris. Dans la douleur certes, mais appris quand même.

Je finirai cet article par dire que je ne sais pas si je suis une bonne photographe. Si j’ai les tripes pour ça, ni même le talent. J’ai beaucoup remis en question ma pratique, mon travail, et même l’existence de mon entreprise. Encore aujourd’hui il m’arrive de me dire “à quoi bon ? est-ce que j’aime vraiment ça ?”. Peut-être que je mets la barre trop haut, que j’ai trop d’exigences envers moi même. Je n’arrive pas à retrouver ce plaisir qui m’a animé lorsque j’étais ado, que je photographiais tout et n’importe quoi, que je pouvais passer des nuits entières sur photoshop à expérimenter. Parce que la peur me paralyse et m’empêche de faire ce que je veux vraiment. Se lancer, prendre le risque de se casser la gueule (encore) … bas ça demande du courage, beaucoup de courage.

Je souhaite dire merci aux personnes qui ont été extrêmement patientes au cours de ces 8 mois. Merci à ceux qui ont essayé de comprendre les difficultés auxquelles j’étais confronté. Aujourd’hui, j’ai repris les séances photos, mais je ne cherche pas à faire plus que ça. Pour la simple et bonne raison que je souhaite mettre en place de nouvelles bases, créer un socle solide. Je veux aussi réaliser plus de projets perso et retrouver le plaisir que j’avais en tenant mon appareil photo dans mes mains.

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Merci à ceux qui auront pris le temps de libre cet article, et à très bientôt.
Faustine 🌿